Alors que, par le passé, on ne s’occupait pratiquement pas de manipuler les poulains avant l’âge du débourrage, la vogue de l’éthologie nous a fait prendre conscience de la nécessité d’avoir des foals davantage pris en main par l’homme. Cependant, s’occuper et prendre soin d’un poulain, surtout s’il est destiné à un usage sportif, ne veut pas non plus dire en faire un animal de compagnie … C’est le sujet que je souhaite aborder cette semaine !
Jusqu’à une époque pas si lointaine, la majorité des éleveurs se préoccupait assez peu de la manipulation et de l’éducation des poulains. L’élevage était souvent pratiqué en marge d’une exploitation agricole. Les équidés grandissaient alors au milieu d’autres animaux, sans qu’on ne se préoccupe spécialement de leur éducation, avec des manipulations réduites au minimum. D’abord faute de temps, puisque ces éleveurs possédaient souvent de nombreuses poulinières : s’occuper des poulains aurait nécessité une main d’œuvre supplémentaire dont ils ne disposaient pas forcément. L’éthologie n’avait pas encore fait son apparition. Le rapport au cheval n’était pas ce qu’il est devenu aujourd’hui, et les chevaux eux-mêmes étaient différents, souvent moins près du sang et moins sensibles.
Miller, le précurseur.
Au cours des années 1990, les mœurs ont évolué en même temps qu’on a découvert l’éthologie. Le milieu du cheval a également opéré sa mue, avec l’arrivée de « nouveaux » acteurs, rarement issus du monde agricole. Faisant naître pour le plaisir, ces éleveurs n’ayant souvent qu’une ou deux poulinières ont commencé à établir un rapport différent au cheval et s’occuper davantage de chaque petit.
« L’imprégnation comportementale du poulain nouveau né », premier livre traitant de la manipulation des poulains à partir de la naissance, est sorti en 1994. Le vétérinaire américain Robert Miller y préconise de manipuler le poulain dès les premiers instants de sa vie, notamment en lui touchant les parties du corps dans un but de désensibilisation, ces gestes devant être répétés de nombreuses fois afin de les imprimer dans sa mémoire.
Si elle a connu un certain succès au moment de sa sortie, cette méthode a cependant été rapidement décriée par d’autres vétérinaires et chercheurs, ainsi que pas des adeptes de l’éthologie. Ses détracteurs reprochent à la méthode Miller d’intervenir sur le poulain dès les premières minutes de sa vie, interférant sur le processus naturel d’imprégnation du poulain par sa mère. Des études effectuées sur plusieurs lots ont également montré que les poulains « imprégnés » à la naissance n’étaient pas forcément les plus coopératifs par la suite et qu’une trop grande présence de l’homme pour les « assister » (les aider à se lever, à téter) à leur naissance produisait souvent l’inverse de l’effet désiré, à savoir les rendre moins autonomes et moins adroits que ceux livrés à eux-mêmes et à leur mère.
Un juste milieu.
Entre l’absence totale de manipulation et l’imprégnation à outrance, la vérité se trouve sans doute quelque part au milieu. Nul doute que votre maréchal-ferrant ou votre vétérinaire vous seront gré s’ils ont affaire à des poulains pas trop farouches se laissant attraper, mettre le licol, manipuler et prendre les pieds sans trop de réticences.
En ayant discuté avec plusieurs éleveurs, ce qui semble surtout importer, c’est que les poulains soient menés en main dès leur première sortie. Je vous conseille, pour cela, d’utiliser une longe doublée dans le licol, mais pas attachée à celui-ci avec un mousqueton : ainsi, au cas où le poulain vient à s’échapper et à marcher sur la longe, celle-ci tombe afin de ne pas engendrer de chocs sur sa tête.
Il est préférable que le poulain marche devant sa mère (celui qui tient le poulain se met à l’épaule collé contre lui, avec une main au dessus de l’encolure au début. Il ne faut pas tirer sur la longe, le poulain doit marcher devant vous. S’il s’arrête, celui qui suit avec la mère le pousse un peu pour qu’il reparte en avant. C’est la base pour les concours d’élevage : on ne présente pas un poulain en tirant dessus pour qu’il avance …). Je vous conseille également d’habituer le poulain à être tenu de chaque côté.
Respect de l’homme.
Je vous conseille de ne pas manipuler vos poulains à outrance. Un poulain doit être suffisamment manipulé pour qu’il n’ait par peur du contact, mais on ne doit pas non plus être trop proche de lui, pour qu’il reste respectueux de l’homme.
Que le poulain ait confiance en l’homme et ne le craigne pas facilitera sûrement beaucoup de chose dans le futur, mais une trop grande proximité peut s’avérer difficile à gérer. Si un foal de quelques semaines reste facile à maîtriser, bien que le danger soit toujours présent, lorsqu’il aura trois ans et pèsera entre 400 et 500 kg, ce sera une toute autre affaire !
Un poulain doit respecter l’homme et obéir à ses demandes. La vie d’un cheval de sport est faite de situations variées, souvent stressantes, auxquelles il ne peut pas être néfaste d’habituer progressivement le poulain, notamment entre le sevrage et le débourrage. Mais une des conditions sine qua non est aussi qu’il accepte le dressage et les demandes du cavalier, sans trop les remettre en cause. Tout est souvent plus facile quand ces valeurs d’obéissance et de respect sont inculquées dès le plus jeune âge.
Anaël MARZIN
Responsable marché Equideos