Au box, au pré, en le tournant en longe, on observe ses grands yeux en se demandant s’il comprend ce qu’il y a dans les nôtres. Si certains, notamment parmi les tenants de l’équitation éthologique, en sont convaincus, les choses semblent plus complexes … Le cheval est-il vraiment sensible à notre regard ?


« Avance en regardant devant toi et ne te retourne pas. Il va te suivre … » S’il est une information que tout jeune cavalier assimile très tôt, c’est bien celle-ci : lorsqu’il tient un cheval en main, il n’a pas intérêt, s’il veut que ce dernier avance, à l’observer trop longtemps. De là à en conclure que les chevaux ne supportent pas notre regard, et plus généralement, que beaucoup de choses passent entre eux et nous par ce biais-là, il n’ya qu’un pas … qu’il ne faudrait pas franchir trop rapidement.


Lunettes contre effet « prédateur »

Si cette éventuelle capacité du cheval à interpréter la moindre de nos œillades peut en amuser certains, il n’en reste pas moins qu’un simple regard semble parfois avoir un effet immédiat sur nos compagnons. De nombreux débutants ont ainsi fait l’expérience de se retrouver coincés dans un box, aux prises avec un cheval pas vraiment décidé à se laisser seller pour aller travailler. Il suffit alors que le moniteur arrive et regarde le cheval pour que celui-ci arrête immédiatement de « jouer » avec son cavalier. Cette expérience suffit-elle pour autant à prouver que les chevaux sont capables de comprendre notre regard ?
Certains éthologues préconisent l’utilisation et la mise en œuvre de diverses pressions, dont la pression optique, mais il recommande en revanche soigneusement de ne jamais fixer un cheval dans les yeux.

Une étude qui sème le doute

Réalisée par les britanniques Seaman, Davidson, et Waran en 2002, une étude a été réalisée sur un échantillon de 33 chevaux qui ont été soumis à un ensemble de tests comportementaux afin d’évaluer leur réponse sur un temps donné. Parmi les différentes observations effectuées, un test était notamment destiné à percevoir l’importance du regard. Dans un premier temps, on a enregistré et chronométré pendant dix minutes les réactions et le temps d’approche d’un cheval confronté à une personne inconnue placée au centre d’un cercle, les épaules basses, le regard à terre, veillant à ne jamais regarder l’animal dans les yeux. Lors de la deuxième étape du test, la même personne, toujours au centre du cercle, adoptait une attitude rigide, voire même agressive, et ne quittait pas le cheval des yeux. Les résultats collectés à l’issue de cette expérience n’ont cependant pas pu mettre en évidence l’influence du regard humain sur le comportement de l’équidé ; la posture adoptée, et donc l’effet « avec » ou « sans » le regard, n’ayant pas eu d’effets sur le temps d’approche.


A ce jour, entre insuffisance de résultats scientifiques et constatation empirique, il apparaît donc très difficile de trancher de manière catégorique sur les effets du regard humain sur le comportement du cheval. Le mystère demeure donc entier.



Que voit-il vraiment ?

Pour essayer de mieux comprendre comment les chevaux perçoivent ou interprètent notre regard d’humain, il faut avoir à l’esprit ce que voit véritablement le cheval. En effet, ce qu’il perçoit visuellement de son environnement ne ressemble en rien à ce que nous pouvons voir. Les équidés doivent en effet composer avec deux zones aveugles, l’une positionnée à l’avant de la tête, l’autre située le long de ses flancs et derrière son arrière-main. Par ailleurs, si le cheval distingue vraisemblablement assez bien les couleurs, il rencontre quelques difficultés pour accommoder sa vision, c’est-à-dire faire la mise au point. Par rapport à la nôtre, sa vision apparaîtrait donc relativement floue et ne lui permettrait pas de discerner les objets ou les individus avec la même netteté que nous. C’est la raison pour laquelle il s’appuie aussi beaucoup sur ses autres sens (l’ouïe et l’odorat), pour interpréter les informations qu’il perçoit de l’environnement.


Anaël MARZIN
Responsable marché Equideos