Les fibres dans l’alimentation du cheval

En tant qu’herbivore, l’organisme du cheval est adapté à une alimentation riche en fibres.  Mais concrètement, qu’est-ce que signifie le terme « fibres » ? Dans quels aliments en trouver ? Pourquoi sont-elles si importantes pour les chevaux ? Équidéos vous explique tout à ce sujet !

Les fibres, qu’est-ce que c’est ? 

Il est important de distinguer deux significations du terme "fibres". D'une part, les "fibres" désignent l'ensemble des glucides présents dans les parois des plantes, ce qui en fait un nutriment essentiel. D'autre part, le terme "fibres" peut aussi se référer à l'aspect physique de ces éléments.

On distingue 2 types de fibres :

  • Les fibres « insolubles » (cellulose, hémicellulose et lignine) qui sont capables de gonfler en retenant de l’eau mais qui ne se solubiliseront pas dans le milieu. Elles constituent la base structurelle des cellules végétales.
  • Les fibres « solubles » (pectines, mucilages, gommes) qui font partie de la matrice des parois végétales. Elles ont une grande capacité d’absorption d’eau et ont des propriétés viscosantes ou gélifiantes.

Pourquoi les chevaux ont-ils besoin de fibres ? 

Le cheval est un herbivore qui a évolué depuis des millénaires sur de grandes étendues prairiales. Son système digestif est adapté à digérer des aliments riches en fibres, notamment leur intestin postérieur qui contient de nombreux micro-organismes (bactéries, champignons…) capables de décomposer les fibres via une fermentation microbienne [1]. On appelle cette population le microbiote ou la flore intestinale.  

Les fibres favorisent cette activité microbienne :

➡️ Elles entraînent la production d'acides gras volatils (AGV), qui servent de source d’énergie directe pour les chevaux. La quantité d'énergie tirée des fibres varie en fonction de leur qualité et de la teneur en fibres « solubles » facilement dégradables [1].

➡️ Des acides aminés et des vitamines importantes comme la vitamine B1, la biotine et la vitamine K sont également produits [2].

➡️ Une bonne activité microbienne est importante également pour le bon fonctionnement du système digestif du cheval [3].

 

De plus, les fibres interviennent dans la santé digestive du cheval de manière plus générale :

➡️ L’ingestion de fibres demandent une mastication importante, ce qui permet la production de salive qui agit comme pouvoir  « tampon » dans l’estomac [1]. Il a ainsi été constaté que plus de six heures sans accès à des fibres augmentait considérablement le risque d'ulcères gastriques chez les chevaux [6]

➡️Les fibres absorbent et retiennent l’eau dans le système digestif, ce qui permet de maintenir l’hydratation du cheval au repos mais également lors d’un effort [7].

Enfin, les fibres jouent un rôle dans l’occupation journalière du cheval, essentielle à son bien-être mental. A l’état naturel, les chevaux passent environ 15 heures par jour à ingérer des fibres. Même au box, les chevaux vont donc réaliser des comportements alimentaires pendant 9 à 12 heures. Ainsi, si le cheval n’a pas accès à des fibres en quantités suffisantes, il en cherchera dans son environnement, par exemple en consommant de la paille, voire des copeaux de bois [8].

De quelle quantité de fibres un cheval a-t-il besoin par jour ?

Habituellement, les besoins en fibres en tant que nutriment sont exprimés en pourcentage de « cellulose brute », qui comprend la cellulose, mais aussi la lignine et l’hémicellulose.  C’est donc un indicateur de la proportion de fibres insolubles d’un aliment [9]. Les besoins journaliers sont alors estimés à 15-18 % de cellulose brute sur la ration totale (aliment + fourrages) [10].

Au-delà d’une quantité minimale de fibres à fournir aux chevaux, il est également important d'ajuster la qualité de ces fibres :  

➡️  Le premier objectif est de contrôler l'apport énergétique sans réduire le volume ou le poids des fibres apportées dans la ration [1]. On peut citer par exemple le cas des poneys suivant un régime alimentaire à faible apport énergétique. S'ils sont nourris avec un fourrage riche en énergie, alors la quantité distribuée va être plus faible et donc la quantité de fibres également. S'ils sont plutôt nourris avec des fourrages de faible qualité, la quantité de fibres requise peut ainsi être maintenue [11].

➡️Le deuxième objectif est de tenir compte de la digestibilité des fibres, car elle exerce un impact significatif sur le bilan énergétique. Les fibres insolubles sont moins digestibles que les fibres solubles. L’hémicellulose est plus digestible que la cellulose, elle-même plus digestible que la lignine. De plus, des concentrations élevées de lignine dans les aliments réduiraient la digestibilité des autres fibres [12].

Quelles sont les sources de fibres dans l’alimentation ? 

Lorsque le cheval a accès à une pâture, l’herbe fraîche est la première source de fibres : 

  • L’herbe contient 24 à 32% de cellulose brute [9]. 
  • Cependant, lorsqu’elle est très jeune, sa richesse en fibre solubles (fructanes) peut causer les mêmes effets qu’un excès d’amidon qui arriverait dans le gros intestin (diarrhée, amaigrissement, fourbure etc.).
  • Inversement, lorsqu’elle est trop mâture, elle devient plus riche en fibres insolubles qui limitent la digestibilité. Une gestion de la pâture est donc essentielle, surtout lorsqu’elle est la seule source de fibres de la ration [12]. 

Les fourrages sont également une bonne source de fibres, notamment le foin :

  • Le foin a généralement une teneur en cellulose brute supérieure à 30% [9]. La teneur en fibres et la digestibilité de ces fibres varient selon les espèces, la période de récolte, l’année... Par exemple, les foins de graminées dits « de saison chaude » (chiendent, millet, sorgho) sont plus riches en fibres et moins digestibles que les foins de graminées de « saison fraîche » (fétuque, fléole, dactyle).
  • Les foins de légumineuses sont également intéressants car ils sont plus riches en fibres solubles hautement fermentescibles par les bactéries de l’intestin du cheval [3]. Ainsi, leur digestibilité est plus élevée : par exemple pour des yearlings, une étude a montré une digestibilité à 74 % pour du foin de luzerne, 64 % pour du foin de graminées de saison fraiche et 60 % pour du foin de graminées de saison chaude [13].
  • Les recommandations de quantités de fourrages vont de 1 à 2 kg MS de fourrage pour 100 kg de poids vif par jour, avec des besoins augmentés pour la poulinière en lactation et le jeune en croissance avec jusqu’à 2,5 kg pour 100 kg de poids vif [14].

Si le cheval n’a pas accès à une pâture, et/ou que l’apport en fourrage est limité, différentes sources supplémentaires de fibres peuvent être envisagées :

  • Une litière en paille peut contenir jusqu’à 40% de cellulose (paille de blé à 38% de cellulose brute [9]) et peut donc compléter l’apport en fibre. Cependant, la paille ne doit pas non plus être la source principale de fibres, car elles sont très peu digestibles et encombrantes.
  • Les bouchons et les granulés de foin peuvent contenir 27% de cellulose et de même compléter l’apport en fibres de la ration [15]. Les fourrages présentés en granulés peuvent être réhydraté et sont donc plus facile à ingérer. C’est une alternative très intéressante pour les chevaux âgés ayant une dentition détériorée. [16].
  • La pulpe de betterave est également une source de fibres (16 à 20% de cellulose brute) hautement fermentescibles avec une digestibilité à 60-70% [17]. Elle peut notamment être intéressante pour les vieux chevaux avec des problèmes dentaires, car l’aliment pourra être présenté sous forme de bouillie. La pulpe de betterave peut également être utilisée pour augmenter la digestibilité d’autres fourrages en association. En effet, la digestibilité des fibres de la ration était augmentée lorsque de la pulpe de betterave était ajoutée à du foin de légumineuses et/ou de graminées. Cependant, à partir de 30% de pulpe de betterave, ce bénéfice n’était plus observé, la dégradation des fibres solubles (pectines) prenant le pas sur les réactions cellulosiques dans le gros intestin [18].
  • Des enveloppes de légumineuses, telles que les pellicules de soja (25% de cellulose) peuvent aussi être inclues dans les concentrés, ou données séparément comme source de fibres supplémentaires. Elles ont une digestibilité de 58% et sont donc assez comparables aux pulpes de betteraves [19].
    Enfin, on peut retrouver en petites quantités dans les aliments concentrés du son de blé (9% de cellulose brute et digestibilité de 26%) ou des pulpes de raisins (20% de cellulose et 25% de digestibilité).

L’importance des fibres dans l’alimentation du cheval ne doit pas être sous-estimée, à la fois pour sa santé digestive, mentale et son bien-être en général. Un bon équilibre entre herbe, foin, et autres aliments fibreux assure une alimentation riche et variée, stimulant le système digestif de manière optimale.

Sources

[1] Ermers C., McGilchrist N., Fenner K., Wilson B., McGreevy P., 2023. The Fibre Requirements of Horses and the Consequences and Causes of Failure to Meet Them. Animals 2023, Vol.13, p.1414. https://www.semanticscholar.org/paper/The-Fibre-Requirements-of-Horses-and-the-and-Causes-Ermers-McGilchrist/c954490bffd935a66ea8e45405ee26226b22e5f7

[2] McGilchrist N., 2022. The Importance of Fibre for Horses. https://feedxl.com/38-the-importance-of-fibre/

[3] Muhonen S., Sadet-Bourgeteau S., Julliand V., 2021.  Effects of Differences in Fibre Composition and Maturity of Forage-Based Diets on the Microbial Ecosystem and Its Activity in Equine Caecum and Colon Digesta and Faeces.  Animals, Vol. 11(8), p. 2337. https://www.mdpi.com/2076-2615/11/8/2337/pdf?version=1628409743

[4] Richardson K., Murray J.A.M.D., 2016.  Fiber for Performance Horses: A Review. J. Equine Veterinary  Science, Vol. 46, p. 31–39. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0737080616002732?via%3Dihub

[5] Genoux N., Doligez P., Le Masne L., 2022. Equipédia IFCE : La digestion chez le cheval : une physiologie adaptée à l’ingestion de fibres en continu. https://equipedia.ifce.fr/elevage-et-entretien/alimentation/nutrition-et-ration/la-digestion

[6] Luthersson N., Nielsen K.H., Harris, P., Parkin T.D.H., 2009. Risk factors associated with equine gastric ulceration syndrome (EGUS) in 201 horses in Denmark. Equine Veterinary  Journal, Vol. 41, p. 625–630. https://beva.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2746/042516409X441929

[7] Richardson K., Murray J.A.M.D., 2016. Fiber for Performance Horses: A Review. Journal of Equine Veterinary Science, Vol. 46, p.31-39.  https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0737080616002732

[8] Bonati L., 2022. Des fibres avant tout ! Article issu du Congrès European Equine Health and Nutrition Congress 2021, Cheval santé, Vol. 137, p.60-62. https://equine-congress.com/uploads/files/file/134/cheval-sant%C3%A9-n137-d%C3%A9cembre-2021-janvier-2022.pdf

[9] Kaeffer C., 2017. Techniques d’élevage : Choisir un aliment « fibres » pour son cheval. https://www.techniquesdelevage.fr/2017/01/choisir-un-aliment-fibres-pour-son-cheval.html

[10] Guerin P., Le Verger M., Mos J., Le Masne L., 2016. Fiche équipédia. Les besoins des chevaux : généralités. https://equipedia.ifce.fr/elevage-et-entretien/alimentation/nutrition-et-ration/les-besoins-generalites#auteurs

[11] Dosi M., Kirton R., Hallsworth S., Keen J., Morgan R., 2020. Inducing weight loss in native ponies: Is straw a viable alternative to hay? Veterinary Research, Vol.187. https://bvajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1136/vr.105793

[12] Cichorska B., Komosa M., Nogowsk L., Maćkowiak P. et Józefia D., 2014. Significance of Nutrient Digestibility in Horse Nutrition – A Review. Annals of Animal Science, Vol. 14(4), p779-797. https://sciendo.com/article/10.2478/aoas-2014-0059

[13] De Boer M.L., 2018. Forage Quality and Blood Metabolites of Horses Grazing Alfalfa, Cool-season Perennial Grass, and Teff. Thèse, Université du Minnesota. https://www.proquest.com/openview/0af1f5de5bb045f782645a7e992f8943/1?pq-origsite=gscholar&cbl=18750

[14] Harris P. A., Ellis A. D. Fradinho M. A., Jansson A., Julliand V., Luthersson N., Santos A. S.  Vervuert I., 2016. Review: feeding conserved forage to horses: recent advances and recommendations. Animal 2016, p. 1–10. https://www.researchgate.net/publication/310806609_Review_Feeding_conserved_forage_to_horses_Recent_advances_and_recommendations

[15] Saastamoinen M., Manninen M., Rantanen A.,1992. Compounded pelleted fibre feed and hay pellets as substitutes for hay in horse feeding. Agricultural and Food Science, Vol.1(2), p.225–232. https://journal.fi/afs/article/view/72442

[16] Argo Mg.C., Cox J.E., Lockyer C., Fuller Z., 2002. Adaptive changes in the appetite, growth and feeding behaviour of pony mares offered ad libitum access to a complete diet in either a pelleted or chaff-based form. Animal Science, Vol 74(3). https://www.cambridge.org/core/journals/animal-science/article/abs/adaptive-changes-in-the-appetite-growth-and-feeding-behaviour-of-pony-mares-offered-ad-libitum-access-to-a-complete-diet-in-either-a-pelleted-or-chaffbased-form/EEDEEC89C060DDC34DDAAF7AD5266867

[17] Wolter R., Durix A., Letourneau J.C.,  Carcelun M., Bruny A., 1979. Évaluation chez le Poney de la digestibilité du maïs-fourrage déshydraté, des pulpes sèches de betterave, de la luzerne déshydratée, du son de blé, de la paille de blé et des pulpes de raisins. Annales de zootechnie, Vol. 28 (1), pp.93-10. https://hal.science/hal-00887834/document

[18] Haeffner L., Doligez P., 2024. Fiche équipédia : la pulpe de betterave. https://equipedia.ifce.fr/elevage-et-entretien/alimentation/fourrage/la-pulpe-de-betterave

[19]  Wolter R., DurixA., Letourneau J.C., CarceleM., Bruny A., 1980.  Évaluation chez le poney de la digestibilité des pellicules de soja, du marc de pommes, des caroubes et du tourteau de pépins de raisins. Annales de zootechnie, 1980, 29 (4), pp.377-385. https://hal.science/hal-00887999/document