Connaître l’origine de la tare, son état d’évolution et sa localisation permet d’adapter les traitements envisageables. Mieux vaut en effet la prendre au sérieux, la rapidité de son aggravation étant impossible à prévoir.
Depuis que l’homme s’intéresse au cheval, l’aspect extérieur des membres à suscité un intérêt constant. Pour rendre abordable au plus grand nombre l’appréciation de la qualité d’un cheval, une liste des tares a ainsi été élaborée. Classées selon la localisation de la déformation, elles cachent bien souvent les pathologies qui sont à leur origine.
Je vous propose ici une approche sous l’angle des mécanismes qui déclenchent leur développement ce qui simplifie beaucoup leur compréhension, car deux processus seulement interviennent dans leur formation : des dégradations ostéo-articulaires qui donnent naissance à des déformations des articulations et des processus prolifératifs de l’os qui provoquent, par l’intermédiaire de divers mécanismes, les formes phalangiennes, les suros, le sore shin.
Histoires de déformation
Les déformations ostéo-arthritiques peuvent toucher le genou, le jarret ou le boulet. Au début de l’évolution de ces affections, le premier signe que l’on observe se résume souvent à la simple dilatation d’une bourse synoviale (vessigon, molette). Aucune altération de la locomotion ne peut être alors détectée. Cette bursite traduit en réalité la réaction de l’articulation qui produit davantage de synovie afin de lutter contre l’inflammation en améliorant le glissement des os l’un sur l’autre.
Malheureusement, la dégénérescence du cartilage dépasse rapidement les capacités lubrifiantes de la synovie, et l’articulation commence à se déformer. Elle commence à être douloureuse : le cheval boite à froid et le test de flexion de l’articulation concernée devient franchement positif. Un bruit est même parfois perceptible sous forme de craquement : ce qui correspond à la fibrose de la capsule articulaire.
L’origine de ces lésions est en partie traumatique, c’est pour cette raison qu’elles sont fréquentes chez les jeunes chevaux de courses. L’utilisation de la radiographie est indispensable, même si elle ne permet pas de visualiser les cartilages qui n’arrêtent pas les rayons X, car elle met en évidence les ossifications souschondrales qui correspondent aux réactions de l’os à l’inflammation. Ces zones inflammées accumulent en effet davantage de calcium et apparaissent de ce fait plus blanches sur les radiographies. Le traitement des affections ostéo-arthritiques passe avant tout par la réduction des traumatismes répétés sur l’articulation. Il convient pour cela de repenser le type de travail, le terrain sur lequel le cheval évolue, les aplombs et la ferrure.
Excroissances osseuses
Les suros sont très fréquents. Ces affections résultent de petites fractures d’un métacarpien rudimentaire, sur les antérieurs, ou d’un métatarsien rudimentaire, sur les postérieurs. La fracture se produit à l’occasion d’un choc avec le fer d’un autre membre ou parfois même spontanément sur les poulains alimentés aux céréales sans supplémentation calcique.
La cicatrisation de l’os produit un cal plus ou moins volumineux qui peut frotter sur les tendons et provoquer une inflammation propice aux tendinites. Une fois le cal ossifié, les traitement locaux ne peuvent plus agir et l’intervention chirurgicale devient le dernier recours.
Fréquente chez les jeunes pur-sang anglais, le sore shin est une déformation dorsale du canon antérieur, provoquée par une mise au travail trop précoce. Les sollicitations répétées lors d’un effort inadapté engendrent une inflammation qui peut se traiter facilement par l’utilisation d’anti-inflammatoire associée à l’application de froid. Le repos est obligatoire jusqu’à disparition complète des signes.
Si la réaction du cavalier n’est pas assez rapide, les lésions deviennent définitives et peuvent même porter préjudice au tendon passant à proximité, et provoquer une boiterie.
Formes phalangiennes
Souvent sous estimées lors de l’achat d’un cheval, les formes phalangiennes sont des déformations du contour de la première ou de la deuxième phalange qui donnent un aspect conique au paturon. La radiographie permet d’en déterminer le niveau d’ossification. On distingue les formes périarticulaires, situées sur le corps de l’os, et les formes articulaires qui risquent d’ankyloser l’articulation entre la première et la deuxième phalange.
La cause déclenchant l’apparition des formes phalangiennes reste mystérieuse et l’évolution ne suit aucune règle. Une boiterie soudaine sans autre signe qu’une chaleur au niveau du paturon peut évoquer une poussée osseuse sur les phalanges.
Le repos est bien entendu de mise, mais il faut savoir qu’un cheval qui présente les premiers signes vers sept ou huit ans peut très bien finir ses jours sans aucune aggravation ou devenir irrémédiablement boiteux à dix ou douze ans selon la localisation des formes et leur évolution plus ou moins rapide.
Le traitement des tares dures, quelle qu’en soit l’origine, reste difficile aujourd’hui et donne peu de résultats une fois la calcification achevée. La prévention est en revanche souvent possible en adoptant des méthodes d’élevage et d’entraînement respectueuses des besoins et des capacités des chevaux, et en sachant détecter au plus tôt les premiers signes d’inflammation pour adapter le travail du cheval et le soigner rapidement.
Anaël MARZIN
Responsable marché Equideos